La transparence financière et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont au cœur des préoccupations des régulateurs à l’échelle mondiale. Une manifestation concrète de cette préoccupation est l’obligation pour les entreprises d’identifier et de déclarer leurs bénéficiaires effectifs. Cette exigence, bien que semblant être une simple mesure bureaucratique, joue un rôle fondamental dans la création d’un environnement économique plus sûr et plus transparent.
Un bénéficiaire effectif est une personne physique qui possède ou contrôle directement ou indirectement plus de 25% du capital ou des droits de vote d’une entreprise, ou qui exerce un contrôle par d’autres moyens. Cette définition, bien que précise, peut englober une variété de situations. Imaginons une structure où plusieurs entités sont imbriquées les unes dans les autres – comme des poupées russes – il devient alors essentiel de remonter jusqu’à l’individu qui, en bout de chaîne, détient le contrôle réel.
L’identification correcte des bénéficiaires effectifs commence par la collecte d’informations pertinentes auprès de toutes les parties prenantes. Les entreprises doivent s’armer de patience et faire montre de diligence pour rassembler les données nécessaires : noms complets, dates de naissance, nationalités et adresses résidentielles des personnes concernées, ainsi que la nature et l’étendue de leurs intérêts dans l’entreprise.
Une fois cette étape initiale achevée, l’enregistrement auprès du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE) devient la prochaine priorité. En France, par exemple, ce registre est accessible via la plateforme du greffe du Tribunal de commerce. Chaque entreprise soumise à cette obligation doit remplir un formulaire détaillé et le soumettre accompagné des justificatifs requis. La loi impose un délai strict pour cette déclaration : elle doit être faite dans les 30 jours suivant la création de l’entreprise ou dès qu’un changement survient modifiant la structure du capital ou de gestion rendant nécessaire une mise à jour des informations sur ses bénéfaires effectifs.
L’exercice semble technique mais sa portée est loin d’être négligeable. Considérons par exemple une startup innovante se lançant sur le marché avec plusieurs investisseurs à bord. Si ces derniers dépassent le seuil fixé pour être considérés comme bénéficiaires effectifs, leur identification claire évitera à l’entreprise tout risque juridique lié au non-respect des régulations en vigueur.
Le non-respect des obligations relatives à la déclaration des bénéficiaires effectifs peut entraîner des sanctions sévères pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour les représentants légaux de l’entreprise. De plus, l’entreprise elle-même peut faire face à une amende pouvant atteindre 37 500 euros. Il est donc primordial que les entreprises prennent au sérieux cette exigence légale.
Cette procédure n’est pas sans défis. Les entreprises peuvent se heurter à la complexité inhérente à leur structure actionnariale ou aux réticences rencontrées lorsqu’il s’agit d’obtenir des informations auprès d’actionnaires récalcitrants ou difficilement joignables. Dans ces cas-là, il convient pour elles d’établir un protocole clair incluant le recours à l’aide juridique si nécessaire.
Toutefois, au-delà du cadre strictement réglementaire et légaliste, il existe également une dimension éthique et pratique à cette démarche. En effet, dans un monde où les consommateurs sont toujours plus soucieux de la responsabilité sociale des entreprises qu’ils soutiennent – pensons aux mouvements tels que celui pour une finance éthique ou encore aux campagnes anti-corruption – mettre en lumière ses propriétaires réels peut servir aussi bien d’exercice en transparence qu’en gage qualité quant aux pratiques commerciales adoptées.
En outre, avec le renforcement continu des régulations internationales visant à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme – telles que celles imposées par le Groupe d’action financière (GAFI) – il devient incontournable pour toute entreprise cherchant à s’étendre au-delà des frontières nationales ou souhaitant nouer des partenariats avec des acteurs étrangers sérieux d’avoir fait preuve rigoureuse dans sa conformité aux normes en matière de connaissance client (KYC).
Ainsi donc, bien que complexe et potentiellement ardu, le processus de déclaration des bénéficiaires effectifs constitue un maillon essentiel non seulement pour répondre aux attentes légales mais aussi pour bâtir une image fiable et responsable face au marché globalisé actuel où informations financières riment avec confiance commerciale.